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MIOVENI, VILLE-USINE - ''Peu de journalistes sont revenus voir ce qu'étaient advenus de la ville et de ses ouvriers''

Écrit par Lepetitjournal Bucarest
Publié le 24 mai 2015, mis à jour le 25 mai 2015

La semaine dernière, nous vous annoncions le vernissage, à Bordeaux, d'une exposition sur le berceau de la marque Dacia, Mioveni. Celle-ci associe images et textes pour raconter l'histoire de cette cité ouvrière et de ses habitants dans un contexte général en Europe de fermeture d'usines qui laissent derrière elles des travailleurs au chômage, des villes en ruine et toute la culture d'une classe sociale en voie de disparition. Interview croisée des deux auteurs : Julia Beurq, la journaliste, et Anne Leroy, la photographe.

 Photo : DR

Le Petitjournal.com/Bucarest - Que raconte votre exposition ?

Julia Beurq, Anne Leroy - L'exposition propose un regard croisé, d'une journaliste et d'une photographe, sur la ville ouvrière de Mioveni. Par le biais d'un dialogue entre les textes et les images - qui sont agencés en mosaïques - nous avons voulu raconter le quotidien des habitants de Mioveni : l'organisation de la vie familiale autour des trois-huit ; la transformation de cette cité-dortoir communiste en une ville dédiée à la consommation et aux loisirs ; la difficulté d'être chômeur dans une ville où presque tout le monde travaille... Mais au delà de ces considérations locales, nous dressons en filigrane un portrait de la Roumanie actuelle.

La reprise de Dacia par Renault a été amplement médiatisée ces dernières années. Des dizaines, voire des centaines de journalistes sont venus sur place pour faire des reportages. A-t-il été difficile pour vous d'apporter quelque chose de nouveau ou de différent par rapport à ce qui a été fait ?

La privatisation de Dacia a eu lieu il y a déjà quinze ans. Si les journalistes ont été présents lors du rachat, depuis, peu d'entre eux sont revenus voir ce qu'étaient advenus de la ville et de ses ouvriers. De plus, bien souvent les médias ont une approche uniquement économique, les aspects sociaux et humains sont laissés de côté. C'est pourquoi, nous avons eu envie de laisser la parole à ces ouvriers, à leurs femmes, aux retraités de l'usine, etc. 

Concrètement, comment s'est déroulé votre travail ? Les habitants de Mioveni vous ont-ils bien accueillis ou bien l'approche a été laborieuse ?

Nous avons travaillé à Mioveni de septembre 2012 à juillet 2014. Nous y avons séjourné six fois, sur des périodes de 10 jours. Lors de notre deuxième visite, nous avons d'abord rencontré les personnalités officielles de la ville, comme le maire, le prêtre, le vice-président du syndicat car nous avions besoin d'avoir une vue d'ensemble sur Mioveni. Par la suite, certains habitants nous ont ouvert leur maison et leurs souvenirs, ils nous ont confié des fragments de leur histoire, des joies aux difficultés qu'ils rencontrent au travail ou en famille. De manière générale, nous avons globalement été très bien accueillies. Mais rencontrer les ouvriers de Dacia-Renault n'a pas été facile, car il règne un certain ''secret'' autour de cette usine. Et puis entre le travail à l'usine sous la contrainte des trois-huit et leur vie de famille, les ouvriers sont très pris.

Quelle impression vous a laissé Mioveni, son usine, ses habitants... en 2015 ?

Au premier coup d'?il, Mioveni est une ville prospère, au regard des autres villes de Roumanie. En creusant, nous nous sommes rendues compte que cette impression cachait une réalité plus complexe. Depuis le rachat de l'usine par Renault, les licenciements se sont multipliés, les contrats de travail se sont précarisés et l'usine n'est aujourd'hui plus un débouché systématique pour les jeunes de la région, comme c'était le cas auparavant. Dans le département de l'Arge?, l'économie est mono-industrielle et cela créé une pression très forte sur les ouvriers mais aussi sur les autorités. De plus, la délocalisation de l'usine vers celle de Tanger, au Maroc, est souvent brandie comme une menace. Il est difficile de savoir si elle est réaliste, mais dans tous les cas, elle a des effets notoires sur les ouvriers.

Entretien réalisé par Jonas Mercier (www.lepetitjournal.com/Bucarest) Lundi 25 mai 2015

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Publié le 24 mai 2015, mis à jour le 25 mai 2015

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