Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

PORTRAIT - Latt Latt Soe : femme médiatiquement engagée

Écrit par Lepetitjournal Birmanie
Publié le 28 mai 2017, mis à jour le 28 mai 2017

À Yangon, au deuxième étage d'un immeuble de la 36e rue se trouve les locaux de People's Age, un site d'information birman. À la tête de ce média ? Latt Latt Soe. Du haut de ses un mètre cinquante, ce petit bout de femme, travailleuse acharnée, affiche un parcours à donner le vertige. Rencontre.

Fille du célèbre journaliste Maung Wun Tha, Latt Latt Soe était quasiment prédestinée à se retrouver à la tête d'une rédaction birmane. Pourtant, elle a commencé par étudier la physique avant de se spécialiser dans l'ingénierie à l'université technologique de Yangon. "Ce que j'ai étudié ne correspond en rien avec le poste que j'occupe aujourd'hui. Je me suis éloignée de mes passions pour mieux y revenir", confie-t-elle. Pour revenir à la source ? dans les pas de son père ?, elle intègre l'association NICA (Nurturing for Initiative Culture and Arts) où elle travaillera de 2001 à 2003 en tant que coordinatrice artistique. À la même période, plongée dans l'antre des artistes birmans, elle s'intéresse à l'art de la performance et de l'installation. "Ce que j'aime dans cette forme d'expression, c'est le champ laissé à nos émotions et convictions", déclare l'artiste. Depuis 2004, Latt Latt Soe n'a cessé de réaliser des expositions et des performances. Le plus souvent au côté de l'association Bleu Wind, qui rassemble de nombreuses artistes birmanes. La dernière en date ? My Home Project, en avril dernier : "Ce travail était en rapport avec l'environnement et la propreté des rues  de Yangon. Il y a un travail de sensibilisation derrière chacune de mes créations", affirme-t-elle.

Un journal en héritage
Latt Latt Soe le sait, il est difficile de vivre de son art. C'est pourquoi en parallèle, elle n'hésite pas à fournir des articles pour le magazine mensuel de son père, Thought, créé en 1984. Elle en deviendra la rédactrice en chef suite au décès de ce dernier en 2013. "Quand mon père a été atteint par le cancer, j'ai compris que je devais me consacrer à son ?uvre, à ses côtés. Ce fut un défi de taille pour moi que de diriger une équipe de journalistes, gérer les finances. Mais j'aimais ce que je faisais". Peu de temps avant sa mort, Maung Wun Tha a créé une école de journalisme : le Myanmar Media Journalism School (CMMD) ; c'est alors tout naturellement que sa fille reprendra les rennes de ce projet : "Mon père était mon modèle, je suis très fière de ce qu'il a accompli. À moi aujourd'hui de faire perdurer ce qu'il a autrefois entrepris et d'aller encore plus loin, d'être toujours plus ambitieuse". Depuis sa création, la CMMJ a vu passer pas loin de 200 étudiants. "Les formations durent environ un mois et sont donnés par différents journalistes et photographes partenaires tel que Ye Aung Thu, photographe à l'AFP", explique Latt Latt Soe.

Avec le temps, Latt Latt Soe s'engage, humainement, artistiquement et médiatiquement. "Ma phrase de présentation officielle en tant que journaliste est la suivante : je décris ce que je vois. Ainsi il est plus difficile de critiquer mes écrits puisque je ne parle que de ce que j'ai constaté par moi-même", déclare-t-elle avant d'ajouter, "du temps de mon père, nous devions envoyer nos articles à relire à une sorte de comité du gouvernement qui approuvait ou non nos écrits. Depuis les élections il y a une amélioration, mais nous pouvons toujours faire mieux". "Pour faire mieux", comme elle le dit, Latt Latt Soe a créée le journal The People's Age en 2014. Tout en gardant un ?il sur l'?uvre de son père, la journaliste propose désormais un hebdomadaire d'information birman. "J'ai une petite équipe de trois journalistes et je possède mes propres locaux. Mais ce n'est qu'un début", assure-t-elle.

Le changement, c'est maintenant
Passionnée par son travail et bien décidée à faire avancer son pays, elle s'engage. Encore et toujours. Elle devient secrétaire auprès de l'Association des journalistes du Myanmar (MJA). Lors de la journée mondiale de la liberté de la presse le 3 mai dernier, les journalistes se sont rassemblés pour faire entendre leurs voix. "Il y a beaucoup d'amélioration à apporter aux lois birmanes au niveau de la presse. Le gouvernement a nommé des porte-paroles pour chaque ministère, mais ces derniers ne répondent pas au téléphone et ignorent la loi sur les médias d'informations, qui rend pourtant obligatoire une réponse dans les 14 jours. Nous avons encore du mal à accéder à l'information et nous sommes mal protégés", déclare cette activiste. Le jour précédant la Journée mondiale de la liberté de la presse 2017, les défenseurs de 14 organisations locales (dont l'Association d'assistance pour les prisonniers politiques (AAPP), Myanmar IT for Development Organization, PEN Myanmar, Myanmar Journalists Association, Yangon Journalism School, Birmanie International et Article 19) ont publié un rapport d'évaluation sur le paysage médiatique du pays. Constat : le gouvernement de la Ligue nationale pour la démocratie (NLD) n'a pas progressé en ce qui concerne la liberté de la presse au cours de sa première année au pouvoir. "Nous ne voulons pas blâmer le gouvernement, mais plutôt donner des pistes constructives pour réformer ce secteur", nuance-t-elle. 

Malgré son emploi du temps très chargé, Latt Latt Soe n'en reste pas moins une mère de famille. Aujourd'hui divorcée, elle se démène coûte que coûte pour élever son fils de onze ans. "C'est difficile d'être une mère célibataire, y compris financièrement. Mon fils, c'est ma première préoccupation. Je suis tout le temps inquiète pour lui", lâche-t-elle. À 46 ans, Latt Latt Soe envisage de posséder son propre groupe de médias, qui engloberait le magazine de son père, son journal hebdomadaire. Mais pas que? Car cette infatigable travailleuse souhaite désormais aussi, dans un avenir proche, réaliser des documentaires et des films sur la Birmanie. Infatigable, on vous dit!
Pauline Autin (www.lepetitjournal.com/Birmanie) Lundi 29 Mai 2017

 

lepetitjournal.com birmanie
Publié le 28 mai 2017, mis à jour le 28 mai 2017

Flash infos