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CULTURE - Tatouages faciaux des femmes Chin : art vivant en voie de disparition

Écrit par Lepetitjournal Birmanie
Publié le 8 mars 2017, mis à jour le 8 mars 2017

Parmi les innombrables communautés qui l'ont ritualisé à travers le monde, les femmes de l'État Chin se distinguent par leurs tatouages intégraux du visage. Un photographe allemand, Jens Uwe Parkitny, auteur du livre "Blood Faces", nous dévoile sa rencontre avec cette culture populaire.

Les femmes de l'État Chin sont un livre ouvert sur l'histoire, comment les avez-vous approchées ?
Par hasard, je voyageais à Kanpelet dans le sud de l'État Chin jusqu'au Mont Victoria, la plus haute montagne de la région, en 2001. C'est durant ce voyage que j'ai rencontré pour la première fois une femme Chin tatouée, Daw Sein Peng. Fait intéressant, c'est elle qui m'a approché pour me vendre une pipe en terre cuite. J'ai été tellement intrigué par son apparence que je lui ai demandé si je pouvais la prendre en photo. Elle a accepté. Ce fut un moment déterminant qui amorça une longue quête à la recherche des autres femmes Chin portant des tatouages faciaux. Je voulais capturer leur beauté unique. Au passage, cette quête n'a jamais pris fin.

Cette quête a-t-elle révélé les origines de cette tradition culturelle ?
La tradition de ce tatouage dans le sud du Myanmar est apparue il y a des centaines voire des milliers d'années. La plus ancienne illustration connue à ce jour d'une femme Chin tatouée au visage date de 1795. Déjà à l'époque, il est dit que la coutume "existait depuis des temps immémoriaux". Cette pratique était très répandue parmi les différentes ethnies sur tous les continents.

Que cachent ces traits et ces motifs gravés dans la peau de tout un peuple depuis des millénaires ?
La signification exacte des divers motifs et symboles n'est à ce jour pas répertoriée. Cependant, ils illustrent l'appartenance à un groupe ethnique et un rite de passage de l'adolescence à l'âge adulte. Les femmes sont tatouées avant et pendant leur puberté, entre 7 et 15 ans. Le tatouage marque aussi la féminité, le statut social et d'anciennes croyances spirituelles. Ces femmes ne peuvent pas choisir ce qu'on va leur tatouer sur le visage, chaque groupe possède ses propres motifs depuis des générations. Au fil du temps, mon analyse révèle qu'une certaine ethnie Chin, les Layty  aussi appelé les Sunghtu Chin, a formé une société composée de différents clans. Chacun de ces clans a élaboré un motif de tatouage de base avec de petites variations pour créer sa propre signature visuelle. Il était dès lors interdit de copier le motif du voisin. 

À partir de quels ingrédients et ustensiles cette signature est-elle réalisée ?
L'ingrédient de base c'est la suie de pots ou de lampes à huile. Elle est mélangée avec de l'eau et des souches de plantes spécifiques. Le clan des Laytu utilisait une plume de poulet pour dessiner des signes sophistiqués avant d'ancrer définitivement le motif dans la peau à l'aide d'épines de rotin. L'?uvre était réalisée en une fois.

Aujourd'hui ces femmes ne sont plus très nombreuses, pourquoi cette pratique tend à disparaître ?
Officiellement pour des raisons de santé, le gouvernement du Myanmar interdit le tatouage facial depuis les années 1960. Cependant, dans certaines régions éloignées, cette coutume a survécu jusqu'en l'an 2000. Puis, les missionnaires bouddhistes et chrétiens se sont rendus dans les villages du Sud de l'État Chin et dans l'État de Rakhine pour mettre un terme à cette pratique. Aujourd'hui, elles seraient entre  2 000 et 5 000 femmes Chin avec des tatouages faciaux, encore vivantes.

Comme pour honorer une sorte de devoir de mémoire, vous sortez aujourd'hui votre troisième livre sur ces femmes. Comment complète-t-il les précédents ?
Mon nouveau livre s'appelle "Marked for life" (Marquées à Vie) et sera publié à la mi-mars 2017. C'est l'institut allemand (Goethe Institute) du Myanmar qui édite mon ouvrage. Il est disponible en Anglais et en Birman et contient des illustrations des principaux tatouages faciaux que j'ai pu identifier entre 2001 et 2014. Les vues détaillées de face et de profil permettent pour la première fois de comprendre la symétrie complète et la complexité de ces tatouages. Le livre comprend également des gros plans des différents textiles Chin. Pour fournir des clés dans la compréhension des différents modèles de tatouages. J'ai aussi choisi d'ajouter le point de vue éclairé de nombreux anthropologues de la beauté et du tatouage.
C'est un réel dossier anthropologique qui, je l'espère, suscitera l'intérêt, inspirera les artistes et encouragera la poursuite des recherches.
Information: www.bloodfaces.com
Jeudi 9 Mars 2017 (www.lepetitjournal.com/Birmanie) Pauline Autin

 

 

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Publié le 8 mars 2017, mis à jour le 8 mars 2017

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