Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

SOCIÉTÉ - La générosité des Birmans

Drinking_Water_Pot_donated_in_MyanmarDrinking_Water_Pot_donated_in_Myanmar
Écrit par Lepetitjournal Birmanie
Publié le 1 mars 2017, mis à jour le 1 mars 2017

Les Birmans ont le coeur sur la main. Après avoir raflé trois années consécutives la médaille de la "générosité", la Birmanie est un des pays les plus altruistes du monde, malgré son seuil de pauvreté.

Selon un sondage sur l'engagement des citoyens en 2015 mené auprès de 150 000  personnes à travers 140 pays, 92% des birmans déclarent avoir fait un don à une association ou à une fondation le mois précédent le sondage, devançant les Thaïlandais (87%) et les Maltais (78%). Pourtant, la Birmanie est l'une des nations les plus pauvres d'Asie. Dans ce pays, malgré la richesse en ressources naturelles,  en 2014, 40% de sa population vit en-dessous du seuil de pauvreté, selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Dès lors, comment expliquer qu'un des pays les plus pauvres soit aussi l'un des plus généreux ?

L'eau sacrée
En marchant dans les rues de Yangon, impossible d'ignorer l'omniprésence de l'eau, mise à la disposition de tous. C'est une offrande faite aux promeneurs et passants, dans la rue, devant les maisons, les commerces. Car offrir de l'eau, source de vie, est très important dans la société birmane, quelle que soit la saison. Cette offrande  dépasse les simples vertus rafraîchissantes : selon la croyance et les préceptes du Bouddhisme, le bienfaiteur peut ainsi, par cette bonne action, espérer vivre plus longtemps, être en meilleure santé et même être plus aimé. L'offrant reçoit aussi, au passage, les prières de la personne qui boit. Il suffirait, après chaque gorgée, de prononcer cette formule : "djama badse déjanta base". Assouvissez votre soif sans crainte, ces "fontaines d'eau publiques" sont lavées régulièrement et l'eau remplacée tous les jours.

Quand l'or bleu rejoint le bouddhisme
Les célébrations de l'eau trouvent de toute évidence leur apogée chaque année, mi-avril, lors des fêtes du Nouvel An birman et son célèbre Festival de l'Eau : Thyngyian. Pour cette nouvelle année, on parle de renaissance, de purification, de nettoyage et de renouveau en perspective. L'élément clé, là encore, est l'eau.
La légende veut que le roi des Nats, Thagyamin, soit descendu sur terre à cette occasion apportant avec lui un pot d'eau pour purifier les esprits. C'est donc tout naturellement que cet élément purificateur coule à flot pour le nouvel an bouddhique et plonge le pays dans une exubérante bataille d'eau du 12 au 16 avril. Ce ne sont plus les seules statues de bouddha qui sont aspergés mais bel et bien la population tout entière, toujours dans une idée de purification. La tradition veut que les plus jeunes bénissent leurs aînés en leur versant de l'eau parfumée sur les mains. Mais bien vite, le cercle familial est dépassé et c'est tout un pays, armés de bouteilles, de pistolets à eaux, parfois même de lances à eau, qui s'arrose pour l'occasion. 

De l'eau à l'or
Les Birmans ne sont pas non plus en reste quand il s'agit d'or. À Yangon, les plus grandes pagodes de la ville sont rénovées et recouvertes de plaques d'or flambant neuves. Ces plaques d'or sont offertes par les fidèles bouddhistes et peuvent coûter jusqu'à 1 000 euros pièce. Une somme conséquente. Sans les dons des bouddhistes birmans, rien de tout cela ne serait évidemment possible. Au c?ur des motivations des fidèles, là encore, on trouve, au-delà du rayonnement de leur lieu de culte, la volonté de soigner leur karma. Ainsi, les pagodes Sule et Shwedagon ont pu faire peau neuve en 2016, pour le plus grand bonheur de la population.

Générosité ou taxation informelle ?
Les Birmans ont peut-être trouvé la solution à nos problèmes de redistribution sociale et d'État-providence. Bien sûr, plus de 80% de la population se rapporte au Bouddhisme Theravada. Cette branche ancienne et conservatrice du bouddhisme valorise les offrandes religieuses au nom du karma et de la rédemption de l'âme. Tout s'achète à travers les "donations". Mais réduire la générosité birmane à ce phénomène, ce serait oublier une partie de la question. La Sangha, la communauté monastique, est avec l'armée, la Tatmadaw, le deuxième pilier de la société birmane. Intermédiaire entre les populations et le gouvernement pendant toutes les années de junte, responsable des doléances de la vie rurale, elle a de facto en charge la plupart des fonctions sociales et solidaires de la société. Ainsi, les 300 000 a 350 000 bonzes assurent l'éducation primaire, la protection des démunis, les orphelins, les malades ? notamment les victimes du sida - les veufs et veuves. Ils assurent, en somme, les services sociaux traditionnels que l'État, faute de moyens, peine à prendre en charge.

Les donations matinales sont donc une manière de redistribuer directement des moyens à cette entité de protection sociale. C'est aussi souvent, en plus d'un acte de générosité pure, une affirmation politique et sociétale. La donation est directe, les Birmans savent où va l'argent. Ils sont en outre sûrs de faire une bonne action. C'est, à bien des égards, un système social parallèle beaucoup plus satisfaisant que les systèmes de taxes occidentaux.

Revers de la médaille : ce système, qui mobilise d'énormes sommes énormes d'argent liquide, a aussi ses défauts. Parmi les reproches souvent entendus : non quantifiable, non traçable, non mesurable, il peut aussi favoriser la corruption, le trafic d'influence et le blanchissement d'argent. Il demeure qu'en Birmanie, à côté du système social officiel, on est bien en présence d'un système parallèle qui permet de focaliser la légendaire générosité birmane.
Jeudi 2 Mars 2017 - Sata Seck et Pauline Autin

 

  

 

lepetitjournal.com birmanie
Publié le 1 mars 2017, mis à jour le 1 mars 2017

Flash infos