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Kofi Annan, le Rakhine et nous

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Écrit par Inès de Belsunce
Publié le 14 décembre 2016, mis à jour le 2 février 2018

Le Rakhine, région du Myanmar bordant la mer Andaman, fait régulièrement la une des médias internationaux. Torture, génocide, mise à feu, viols? toute sorte d'abus sont évoqués sans pour autant permettre au public d'arriver à une réalité factuelle, ou au gouvernement de créer des solutions de stabilité durable. C'est en réponse à cette situation et sous l'initiative d'Aung San Suu Kyi que la "Commission consultative sur l'état du Rakhine" est née, le 23 août 2016.

La commission est avant tout un projet de coopération entre la fondation Kofi Annan et le bureau du Conseiller d'état. C'est également une promesse de neutralité et d'impartialité sur des sujets qui déchainent les foules, les médias et la communauté internationale. La Commission a pour but de couvrir autant de questions que celles liées à la promotion de la réconciliation ; au renforcement des institutions locales; au développement économique de la région; à la résolution du conflit ethnique; et au droit d'accès de l'aide humanitaire. L'aboutissement de ce projet gargantuesque sera un rapport, rendu mi-2017 listant des propositions concrètes visant à améliorer le bien-être des habitants de la région. Un vaste programme.

Force est de constater que l'ancien secrétaire général des Nations Unis a été accueilli assez froidement par les populations locales qui se sont déchaînées sur les réseaux sociaux. Il semblerait que ses neufs années d'expérience à ce poste ou encore qu'il ait été lauréat du prix Nobel de la paix en 2001 n'apaise en rien les communautés locales peu enclines à accepter le regard de ceux qui "ne connaissent pas l'histoire du peuple Arakan". Six personnalités locales et deux experts internationaux se sont ralliés aux côtés de Monsieur Annan pour s'assurer que les perspectives soient croisées. 

Composition de la Commission
Parmi ce panel, on trouve entre autres le regard francophone de Monsieur  Ghassan Salame, professeur de relations internationales à Science Po Paris, fondateur de l'école d'affaire internationale (PSIA), ancien Ministre de la culture du Liban, et conseiller politique à l'ONU. On trouve également le regard reflétant la commission des Droits de l'Homme du Myanmar avec U Win Mra, sortant d'une carrière au sein des affaires étrangères birmanes longue de 40 ans, et U Khin Maung Lay, sortant, lui, d'une carrière au Ministère du travail. Une volonté d'ouverture religieuse est également démontrée par la présence d' U Aye Lwin, représentant de l'Islam du Myanmar. Depuis le mois de Septembre 2016, la Commission rencontre tous les acteurs de la société civile et du gouvernement dans le plus grand secret. Géographiquement réunis sur le sol du Myanmar entre le 30 novembre et le 6 décembre 2016, tous les membres du panel ont pu directement interagir avec les leaders religieux  de toutes les confessions, mais également avec les associations de minorités; les autorités locales et jusqu'au commandant en chef des forces armées; a Yangon, Nay Pyi Taw et dans les townships Rakhine de Maungdaw, Buthidaung, Mrauk U et Myapon. 

A l'heure des premières conclusions, les membres de la Commission n'ont pas présentés un visage

spécialement souriant ou ouvert devant les micros des journalistes. Kofi Annan a  clairement exprimé son souci devant l'instabilité du Rakhine et la situation précaire des réfugiés. Cependant, si le 5 décembre, l'Irrawaddy publiait un article clamant la déception de Kofi Annan et le citant "insatisfait" vis-à-vis du manque de coopération des autorités Arakanes, la Commission n'a pas commenté l'article de l'Irrawaddy et ne l'a pas confirmé. Neutre et impartial, le panel l'est jusqu'ici resté. Aux accusations de génocide, Kofi Annan a opposé une attitude calme: "Il n'est pas à nous de juger si le gouvernement du Myanmar est coupable ou non; il n'est pas à la communauté internationale de prononcer comme une sentence, un diagnostic légal à la définition complexe et aux ramifications étendues", comme si tout un chacun connaissait et l'histoire, et la réalité du Rakhine. Conservant cette impartialité, la Commission s'est cependant montrée ferme sur la question de l'accès des convois humanitaires en zone à risque: "aucun conflit ne doit empêcher le transport des convois d'aide. On peut donc espérer que d'ici peu, les convois destinés aux camps de réfugiés de Maungdaw referont leur chemin sans être bloqués par l'armée".

Les messages d'espoir
La conclusion des observations préliminaires sont des messages dont la portée dépasse de loin les frontières du Myanmar. Le premier est l'assertion qu'il n'y a pas de Droits de l'Homme dans un régime hyper sécuritaire. Un thème qui est cher à l'ancien Secrétaire Générale des Nations Unions, défenseur historique de l'Etat pacifique, et qui s'applique tout autant à la France, pays en proie à l'Etat d'urgence. 

Le deuxième s'adresse aux jeunes, désireux d'en finir avec ces conflits ethniques et d'avancer dans la coopération; des jeunes mondialisés et connectés, comme le sont les jeunes européens.

Le troisième message touche à l'héritage culturel du Rakhine, proposant de manière très concrète une mise à profit des sites historiques afin de réunir les habitants de la région autour d'un patrimoine commun. Un nouveau projet de paix pour 2017, un projet à vocation universelle donc, dont nous pourrions aussi, peut-être, nous inspirer en France pour combler nos propres brèches identitaires. 

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Publié le 14 décembre 2016, mis à jour le 2 février 2018

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