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MÉDECINS DU MONDE EN BIRMANIE - La réduction des risques comme maître-mot

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Écrit par Justine Hugues
Publié le 24 octobre 2016, mis à jour le 14 janvier 2018

Lorsque Médecins du Monde (MdM) débute ses activités en Birmanie, en 1994, l'organisation a déjà quinze ans d'expérience de par le globe à son actif, auprès notamment de deux de ses populations clés : les usagers de drogue et les travailleurs du sexe. 

Comment l'organisation est-elle devenue la référence sur de tels sujets dans un Etat qui est alors tenu d'une main de fer par la junte militaire ? Quel chemin parcouru dans une Birmanie en transition ?
Réponses grâce à Marie-Ange Goux et Mélanie Quétier, Coordinatrices Générale et de Programme, qui ne manquent pas de convictions et d'espoirs pour leur pays d'adoption. 

Soigner, mener des actions de plaidoyer et former: retour sur plus de 20 ans de projets et militantisme


Tandis que l'organisation a récemment fêté ses deux décennies de présence en Birmanie, le bilan est chargé en difficultés, petites et grandes avancées. Grâce à une approche intégrée de "réduction des risques", alliant la prévention au plaidoyer, en passant par la prise en charge globale de la personne, MdM a su porter secours à plusieurs dizaines de milliers de personnes. Parmi elles, des mères et des nourrissons ayant accès à des meilleurs services de santé, usagers de drogue et travailleurs du sexe atteint du VIH/Sida ou de l'Hépatite C, dans les villages du Kachin ou de l'Ayeryawady, ainsi que plusieurs quartiers de Yangon.


Soigner, mais aussi plaider pour une amélioration des conditions de vie des plus vulnérables et former les autorités et partenaires locaux, tels sont les trois fers de lance de la stratégie de MdM en Birmanie. Les deux derniers sont aujourd'hui élevés au rang de priorités, afin qu'à l'horizon 2020, les autorités de santé birmanes soient à même de formuler et mettre en place de façon indépendante des politiques efficaces en matière de VIH/Sida, Hépatite C et santé materno-infantile.

Pour l'heure, ce sont encore quelques 285 employés de MdM qui s'affairent sur le terrain afin d'informer les populations les plus discriminées (de par leurs pratiques ? drogue et prostitution), réaliser des tests VIH gratuits et anonymes, fournir des antirétroviraux et soins de santé primaire et apporter une aide juridique. Pendant ce temps, à un niveau plus "macro", Marie-Ange aidée de ses collègues du siège parisien de MdM plaident pour un changement des mentalités envers les populations stigmatisées ainsi que pour l'accès aux médicaments.


Mais en quoi consiste le quotidien de ces "médecins du Monde" en Birmanie? 

Aux côtés des usagers de drogue dans le Kachin, dans un partenariat inédit avec "Metta Development Foundation"


Le Kachin bat tristement un double record, en étant l'Etat birman qui compte le plus d'usagers de drogue par voie intraveineuse ainsi que de personnes vivant avec le VIH/SIDA. Le taux d'usagers de drogue infectés par la maladie grimpe jusqu'à 47% dans certains Districts de cet Etat du nord du pays, frontalier avec la Chine et l'Inde. Des données alarmantes qui contrastent avec la beauté spectaculaire des paysages ruraux. Selon Marie-Ange, c'est d'ailleurs ce qui choque lorsqu'on se rend sur les zones du projet. Alors qu'on aurait tendance à avoir comme référence des images de lieux de shoot glauques dans les méandres de banlieues urbaines ; ici, au beau milieu des rizières au vert éblouissant, surgit un groupe de motos, auprès desquelles les toxicomanes s'injectent leur dose. 

Face à ce problème majeur de santé publique, qui plus est particulièrement tabou dans un pays fortement influencé par la morale religieuse, les acteurs étatiques et associatifs sont insuffisants. MdM et Metta (l'une des organisations phares de la société civile birmane) ont donc conjointement élaboré un programme ambitieux de prévention et prise en charge de cette population usagère de drogue.


Des expertises complémentaires qui convergent vers un objectif commun : MdM apporte sa connaissance et son savoir-faire historiques en termes de réduction des risques et Metta son approche communautaire et la confiance qu'elle a des populations locales, de par sa présence de longue durée. Selon Mélanie, qui a pris les rênes du programme il y a quelques mois, ce partenariat se distingue des autres en ce que chacun gère son propre budget. Dès lors, pas question pour l'ONG internationale de diriger son partenaire local ou encore d'être la seule responsable de la subvention, comme c'est trop souvent le cas. Au jour le jour, les équipes parcourent les campagnes Kachin pour informer les bénéficiaires sur les risques liés à leur consommation d'opiacées et donner des détails pratiques sur comment gérer une overdose.


Elles distribuent également des kits pour une consommation "à moindre risque", accueillent les patients séropositifs dans des centres de traitement et référent ceux d'entre eux qui souhaitent arrêter ou diminuer leur consommation d'héroïne vers les structures étatiques habilitées à délivrer de la méthadone .

Les employés de Metta se forment dans les centres de MdM et vice versa. Les autorités sanitaires sont elles aussi un acteur central du projet afin d'atteindre leur objectif -mentionné plus haut - de prise en charge de la totalité des patients VIH d'ici 2020. Un bataillon de personnes motivées, d'un bout à l'autre de la chaine, qui doit, non sans peine, lutter contre les préjugés, voire la violence envers les usagers de drogue. Il va sans dire en effet que distribuer des seringues neuves dans une région où les valeurs religieuses laissent encore peu de place au pragmatisme, cela revient, dans l'esprit de beaucoup d'habitants du Kachin, à encourager la consommation de drogue.

Mélanie ne baisse cependant pas les bras, quand bien même des centres de prévention et prise en charge se voient sporadiquement et arbitrairement fermés par les autorités locales. Elle reste convaincue en effet que la volonté de l'Etat et de la société civile pour trouver ensemble une solution pragmatique et respectueuse des droits humains prendra très bientôt le pas sur les positions de principe. 

Marie-Ange et Mélanie : pourquoi MdM au Myanmar ?


Marie-Ange était au Myanmar il y a dix ans, alors employée d'une autre ONG française. C'est la volonté d'être témoin et actrice de la transition qui l'a motivée à revenir. Elle admire MdM dans sa capacité à militer sans relâche sur des sujets difficiles et pour des populations qui sont souvent stigmatisées et discriminées. 


Il y a quelques mois, Mélanie embarque nouveau-né et conjoint, destination Myitkyina. Un lieu atypique pour une vie de famille. Pour autant, elle a été séduite par l'idée d'être partie prenante de ce programme novateur et pilote, dans un contexte fascinant et à l'heure où MdM prône l'abandon de l'interventionnisme direct pour davantage de soutien technique.  

Retrouvez le blog de Justine: http://justine.hugues.fr/
Justine Hugues (www.lepetitjournal.com/Birmanie) Mardi 25 Octobre 2016

 


 

Justine Hugues
Publié le 24 octobre 2016, mis à jour le 14 janvier 2018

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