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OLIVIER RICHARD - Ambassadeur de France en Birmanie

Olivier Richard ambassadeur BirmanieOlivier Richard ambassadeur Birmanie
Écrit par Justine Hugues
Publié le 11 décembre 2016, mis à jour le 12 avril 2018

En poste depuis Septembre 2015, l'Ambassadeur de France en Birmanie, M. Olivier Richard, l'homme au noeud "pap", revient pour le Petitjournal.com Birmanie sur la première année de son affectation, avec honnêteté et un soupçon de fierté. Panorama des relations franco-birmanes à l'usage de nos lecteurs non pressés.

 

Un regain d'intérêt de la part du Quai d'Orsay

 
En Septembre 2015, celui qui prend les rênes de l'Ambassade ne connaît que très peu la terre dorée qui l'accueille. "Je ne connaissais pas la Birmanie. Comme tout lecteur de presse, j'avais bien sûr suivi un peu ce qui s'y passait".

Bien que les relations franco-birmanes se soient alors déjà renforcées depuis 2011 avec l'arrivée du premier gouvernement civil, l'Ambassadeur était loin de penser se retrouver au coeur d'un tel tournant dans la transition. "L'impression générale qui régnait, que ce soit dans la presse ou dans le monde diplomatique, c'est que les élections allaient renforcer le poids de la NLD, mais que l'USDP resterait au pouvoir avec un jeu d'alliances.  Qu'il allait y avoir une continuité, et dans le pays et dans la relation bilatérale. Or ce n'est pas ce qui s'est produit". La victoire du parti de Aung San Suu Kyi n'a pas seulement créé la surprise au Quai d'Orsay ; elle a aussi généré un nouvel intérêt très fort pour la Birmanie, pour accompagner cette étape majeure de la transition démocratique, à l'heure où les relations bilatérales avaient atteint un "pallier" après une rapide croissance depuis 2011, selon l'Ambassadeur.

Les élections ont eu lieu un dimanche, dès le mercredi, François Hollande s'entretenait par téléphone avec Aung San Suu Kyi.

Si l'Ambassade n'avait jamais fermé durant les longues décennies de junte militaire - contrairement à beaucoup d'autres Etats occidentaux ? avant 2011 elle tournait au ralenti.  "Aujourd'hui, nous sommes proche du rythme de croisière, qui une fois atteint aura recalé la relation à un niveau normal".  A l'heure où les finances publiques sont tendues et les budgets des missions diplomatiques se voient souvent réduites à peau de chagrin, l'ambassade française en Birmanie fait figure d'exception. Elle est une des rares dont les effectifs et crédits ont augmenté au cours des dernières années. 

 

Qui fait quoi dans le dispositif public français en Birmanie?


Il y a quelques mois, Jean-Marc Ayrault, alors en visite officielle, annonçait un engagement de 200 millions d'euros pour la Birmanie. Un effort important, souligne l'Ambassadeur, pour un pays qui ne compte pas parmi le traditionnel bastion français. Développement urbain et rural, santé, énergie; tels seront les nouveaux axes stratégiques devant désormais rallier coopération et investissement.  Jusque là, tout va bien.  Sauf que la mise en oeuvre de cette stratégie fait apparaître une nuée d'acteurs armés de moyens d'actions propres et bien spécifiques. AFD, IFB, SCAC, Chambre de Commerce et D'Industrie, Expertise France, Business France,  difficile pour un néophyte de s'y retrouver dans la galaxie Etatique et le jargon des politiques françaises en matière de coopération et commerce internationaux , diplomatie et échanges culturels. 

L'IFB, pilier de la coopération culturelle et linguistique, fait partie intégrante de l'Ambassade, tandis que l'AFD et Business France, pour ne citer que celles-ci, sont des agences qui travaillent sous tutelle de l'Etat. En matière de coopération, l'AFD étant une institution bancaire, elle gère les prêts et quelques subventions à l'Etat birman, dans les secteurs jugés prioritaires, quand le SCAC a en charge d'autres programmes sur subvention, comme celles du Comité Interministériel de l'Aide Alimentaire, qui aident chaque année des ONG françaises établies en Birmanie à mener leurs programmes de nutrition et sécurité alimentaire. 

Au niveau économique et commercial, si la mission économique de l'Ambassade est en charge de l'analyse macro (celle des déterminants et tendances de l'évolution économique en Birmanie), Business France et la Chambre de Commerce et d'Industrie, en proposant, entre autres, des conseils juridiques, un service de domiciliation, des conseils à l'importation /exportation, des informations sur le cadre légal birman par secteur /filière,  aident les entreprises françaises à s'installer dans le pays. 

En matière de santé, la France est l'un des plus grands contributeurs au Fonds Mondial de Lutte contre le VIH/Sida, la Tuberculose et le Paludisme. Dans ce cadre, Expertise France opère en Birmanie des projets qui aident à lutter contre ces trois fléaux.  Par ailleurs, un projet d'aide à la réhabilitation du laboratoire national birman devrait bientôt voir le jour sur financement AFD. 

La société civile birmane est extrêmement importante, c'est un enjeu majeur.

La France n'a cependant plus les moyens financiers de son ambition dans ce domaine, depuis que l'outil de financement direct des associations birmanes est arrivé à son terme l'année dernière. Alors, l'Ambassade explore de nouveaux moyens d'action. Dans le cadre du forum Convergences et en partenariat avec l'ONG française ACTED, neuf Birmans membres d'organisations locales en matière de droits de l'homme, LGBT, hommes d'affaires ou encore journalistes ont ainsi été récemment invités  à Paris, afin de participer à des échanges sur sur le thème "zéro exclusion, zéro carbone, zéro pauvreté"

 

Expatriés, entreprises, touristes de passage : quelques chiffres sur la présence française en Birmanie


940 personnes sont aujourd'hui inscrites au registre des français établis en Birmanie. C'est plus de trois fois plus qu'en 2012 ? et probablement davantage si l'on prend en compte nos concitoyens non enregistrés. Côté entreprises françaises,  la Birmanie en compte aujourd'hui une soixantaine (contre cinq il y a quatre ans). Les domaines de prédilection sont l'ingénierie et la construction, l'énergie, les produits d'équipement, les biens médicaux. Des investissements majeurs sont en cours et à venir dans ces domaines, faisant de la France, selon l'Ambassadeur, un acteur économique de premier rang après les pays asiatiques. "Les entreprises françaises réalisent que c'est un marché considérable, bien que pas facile".

En tout cas, on vient de le voir, le dispositif est désormais complet pour les aider. Bien que l'expertise technique soit un élément important pour le succès des entreprises françaises en Birmanie, l'essentiel pour M. Richard réside dans les « standards » que ces dernières véhiculent.

Beaucoup de pays ont la même expertise technique, mais ce qu'elles font en matière  de règles sociales et environnementales, de sécurité et de conditions de travail de leurs employés, c'est une autre question, et c'est là le point fort de la France

Enfin, avec 35 000 touristes par an, la France fournit le plus gros contingent des touristes occidentaux. Il suffit de patienter dans le terminal domestique de Yangon ou d'attendre le lever du soleil sur l'un des temples de Bagan recommandés par le guide du Routard pour en prendre la mesure : depuis que la saison touristique a recommencé, on y entend parler français plus qu'anglais. 

 

Arakan et processus de paix : la position française sur les sujets sensibles


Le processus de paix est suivi de près par la France et l'ambassade. En matière de financements, "c'est l'Union Européenne qui agit, on considère qu'on n'a pas besoin d'en rajouter". Sur le nord de l'Arakan et sa minorité musulmane persécutée, le Poste suit de près les opérations militaires ayant lieu dans la zone depuis près de deux mois, ainsi que leurs conséquences sur les populations civiles.

Interrogé sur son absence du groupe des diplomates s'étant rendus dans le district de Maungdaw il y a quelques semaines, l'Ambassadeur nous répond : "je n'ai pas besoin d'être dans le groupe pour savoir ce qui s'est passé. On suit, on est actif et présent. La France a publié deux déclarations. On est très inquiet de ce qui se passe et on demande de la modération, une réaction proportionnée : il faut qu'on évite de s'en prendre aux populations civiles"

A l'instar de la communauté diplomatique, l'Ambassade française  demande à ce qu'une enquête indépendante et crédible soit conduite sur ce qui s'est passé et la restauration de l'accès pour les acteurs humanitaires. "On garde le dialogue. Lors du dialogue entre l'Union Européenne et la Birmanie sur les droits de l'homme, les inquiétudes ont été redites".  Appels pour l'instant restés infructueux. "La Birmanie a un système de gouvernement bicéphale donc la prise de position est complexe", nous dit l'Ambassadeur, faisant allusion au poids de l'armée et questionnant la marge de manoeuvre des autorités civiles dans la résolution de l'épineuse question arakanaise. 

Alors pour l'heure, le seul moyen à disposition de l'Ambassade est le financement des futures actions humanitaires, via ONG et agences des Nations-Unis, lorsque l'accès sera restauré et la lumière enfin faite sur la situation. Et notre interlocuteur de conclure l'entretien.

La transition démocratique sera terminée quand Aung San Suu Kyi aura quitté le pouvoir et qu'un gouvernement entièrement civil continuera de fonctionner, même sans elle


Justine Hugues (www.lepetitjournal.com/Birmanie) Lundi 12 Décembre 2016 

 

 

 

Justine Hugues
Publié le 11 décembre 2016, mis à jour le 12 avril 2018

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