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RUDY MARCQ – "Nous sommes assez privilégiés de pouvoir découvrir ce pays avant qu'il n'ait trop changé"

Écrit par Lepetitjournal Birmanie
Publié le 27 novembre 2016, mis à jour le 28 novembre 2016

Rudy Marcq, 46 ans en décembre, vit à Mingun, située au nord-ouest et séparée de Mandalay par la rivière Ayeyarwaddy. Directeur des opérations de la compagnie de croisière fluviale  'Ancient Cities Flotilla' depuis 4 ans, Rudy s'est également lancé en 2014 dans la construction de bateaux. Nous avons profité de l'ouverture de son 'Garden café' il y a de cela quelques semaines à Mingun pour lui poser quelques questions.

Comment êtes-vous arrivé en Birmanie ?
J'ai toujours eu envie d'aller à l'étranger, je pensais travailler dans le développement agricole, donc j'ai suivi plusieurs formations pour m'y préparer. Après un Bac D ( Sciences Biologiques et Technologies Agricole) et deux années en Fac de Sciences à Reims, pas vraiment réussies, j'ai travaillé pour me payer des voyages. En 1991, j'ai suivi une formation en Logistique à l'Institut Bioforce - Mérieut basé à Lyon, qui prépare au départ avec les ONG Internationales mais comme je ne me sentais pas prêt et encore trop jeune, j'ai suivi avant de partir, une formation technique comme mécanicien dans l'Ain.

Je suis ensuite parti comme Logisticien Urgentiste en 1993 pour Action Contre la Faim et ai travaillé dans des camps de réfugiés au Sud Soudan, en Haïti, en Somalie, selon les crises humanitaires du moment... C'était passionnant. J'ai beaucoup d'histoires à raconter, des bons et moins bons souvenirs... Je suis arrivé en Birmanie par ce créneau, comme Logisticien pour Action Contre la Faim en 1995. Après 2 ans entre Yangon et l'état Rakhine, amoureux de ce pays j'ai décidé d'y rester. J'y ai créé ma 1ère compagnie en 1997 à Yangon: ASAP Express Services, un service de coursier et de petites livraisons. Çà a plutôt bien marché, du moins au début, la poste birmane étant quasi inexistante, et puis il n'y avait pas encore de messagerie électronique. Mais après la crise Asiatique, la Birmanie était devenue très difficile, le pays se refermait, 80% de mes clients avaient fermé, plus de licences pour les motos, plus d'argent... Début 2002, je pars, après un premier séjour de 7 ans... J'ai donc repris le travail humanitaire qui m'a toujours plu; en Indonésie pour ACF, en Guinée-Conakry pour Médecins Sans Frontière, Madagascar pour Population Service International. Et, grâce à un ami, une première expérience maritime, mécanicien sur un yacht d'un milliardaire monégasque en Méditerranée. Découverte du monde des bateaux. Puis le Cambodge, le Vietnam, le Laos, à travailler soit comme Directeur de Croisière pour des bateaux de croisières fluviales, soit comme Consultant pour des Agences de Voyage désirant construire leur bateau. En 2011 je retourne en France pour  suivre une formation maritime à La Rochelle, dans l'espoir de devenir mécanicien bateau et peut être Capitaine un jour, mais je retourne en Birmanie en 2012 avant de valider mes cours théoriques.

Mais avant cela, je revenais régulièrement en Birmanie, pour garder le contact... Beaucoup de mes amis vivaient ici. On était très proche à l'époque, toutes nationalités confondues. C'était une petite communauté, très soudée, dans un pays qui s'ouvrait à peine, on avait l'impression de vivre quelque chose d'unique, ça crée des liens forts. Donc quand deux amis suisses m'ont proposé d'ouvrir une compagnie de croisière ensemble, je me suis précipité sur l'occasion, je n'attendais que ça ! Mandalay offre de belles croisières sur L'Ayeyarwaddy et depuis l'ouverture il y a tellement d'opportunités... 

Parlez-nous de 'vos' opportunités...
Tout d'abord, la compagnie de croisière, Ancient Cities Flotilla. J'en suis le Directeur des Opérations depuis 4 ans mais je m'en occupe moins à présent. Une nouvelle manager a pris ma place à Mandalay car je voulais me libérer, faire autre chose, vivre de nouvelles expériences.
Depuis 2014, je construis des bateaux avec un ami et partenaire Birman. En un peu plus de 2 ans, nous en avons rénové quatre et construit deux nouveaux. C'est beaucoup de travail mais c'est passionnant, j'ai toujours aimé la complexité de ce genre de construction. Un bateau de croisière, c'est à la fois un hôtel, un restaurant et un bar qui doit bien sûr naviguer, produire sa propre électricité et traiter son eau, tout en étant capable d'accueillir des passagers confortablement, le tout dans un espace restreint. Beaucoup de corps de métier sont impliqués, métallurgiste, mécanicien, électricien, plombier, charpentier, maçon, il faut toucher un peu à tout, gérer tous ces groupes, les faire travailler ensemble, le tout en birman, c'est un challenge à chaque nouveau projet ! Cela m'a permit de beaucoup naviguer sur l'Ayeyarwaddy et de connaître des endroits accessibles seulement par la rivière. 

Et depuis quelques semaines, j'ai également ouvert avec deux amis birmans un petit coffee Shop à Mingun, le Garden Café. Une opportunité que je ne pouvais pas manquer. D'un côté, j'avais un ami guide qui se plaignait qu'il n'y avait pas de restaurant pour ses clients en visite à Mingun; de l'autre, un ami dont la famille possède un terrain en friche au bord de la rivière. Je les fais se rencontrer et le projet est né ! J'apprends énormément avec ce nouveau projet; la gestion d'un restaurant, je n'avais jamais fait ! On fait simple, des snacks, des sandwiches et brochettes au BBQ, des plats birmans revisités et surtout beaucoup de jus de fruits, des glaces et du bon café Birman. Çà commence plutôt bien et le jardin est vraiment superbe. À l'ombre des grands manguiers, il  fait toujours frais ! Et on récoltera bientôt nos propres légumes organiques du potager.

Pouvez-vous partager avec nous votre vision du pays et des Birmans ?
La Birmanie est un grand pays, très varié, et il y a encore beaucoup d'endroits où je ne suis pas allé... En fait, je ne connais pas si bien que ça la Birmanie, mais je commence à bien connaître les Birmans.  J'habite à Mingun, en face de Mandalay, de l'autre coté de l'Ayeyarwaddy. J'y suis vraiment bien, c'est un style de vie très local, les villageois m'ont bien accepté et mon birman s'améliore... Finalement, si les grandes villes ont beaucoup changé depuis 1995 dès qu'on s'éloigne des grands centres urbains, ce n'est pas si différent... Et puis je ne veux pas tomber dans la nostalgie du "c'était mieux avant", le pays change, et moi aussi... Je suis content de l'avoir connu à une période différente, mais je suis également content de voir le pays changer, mais si possible pas trop vite quand même ! 
Je suis toujours surpris que les birmans n'arrivent pas à régler leurs problèmes inter-communautaires et religieux. Étrangement, autant dans les périodes difficiles, toutes les communautés se serraient les coudes et faisaient au mieux pour (sur)vivre ensemble. Avec l'ouverture, la fin de la censure et de la présence militaire permanente, les vieilles ranc?urs ressortent, souvent créées par des puissances étrangères anciennes ou nouvelles... Mais quelque soit la direction que ce pays prend, le changement se fera par la jeunesse et par son éducation. Le nouveau gouvernement a tellement à faire, dans tellement de domaines, il va falloir être patient... Espérons seulement qu'ils arrivent à garder leur indépendance face aux grandes puissances attirées par les ressources immenses de ce pays, encore vendues à bas prix dans l'intérêt de quelques élites... J'ai l'espoir que la jeunesse birmane qui revient s'installer en Birmanie après des études à l'étranger fera ce lien entre le monde extérieur globalisé et la population birmane, qu'ils sauront trouver un équilibre entre modernité et tradition. 

Il va falloir également trouver une solution pour la gestion des déchets, car le "tout à la rivière" devient un problème de santé publique. On commence à y réfléchir avec quelques amis, des solutions existent, il va falloir trouver des financements, mais sur le long terme cela passera par l'éducation des jeunes dans les écoles, qui pourront alors changer les comportements de leurs parents. 

Et la France dans tout ça ?
Je n'y retourne pas très souvent, j'essaie une fois par an si possible, mais cette année je n'ai pas eu le temps. J'aimerais y passer au moins 2 mois l'an prochain... Çà me fait du bien d'y retourner, d'y rester plus de 2 ou 3 semaines, ça me permet de renouer les liens avec la famille, de se refaire des souvenirs avec les amis. Ils me manquent parfois même s'ils me rendent visite ici de temps en temps. Et en France, c'est le sourire des gens dans la rue qui me manque !

Un dernier mot ?
Je trouve que nous sommes assez privilégiés de pouvoir découvrir ce pays avant qu'il n'ait trop changé, une culture authentique influencée par ses voisins, mais pourtant unique, une ambiance à part et pour ceux qui viennent nous visiter dans le Nord, il faut sortir de Mandalay. La ville n'est pas très belle à part quelques endroits connus et visités. Mais par contre les environs sont magnifiques. 

Infos: 
www.facebook.com/TheGardenCafe.Mingun
www.ancientcitiesflotilla.com
Sébastien Lafont-Frugier (www.lepetitjournal.com/Birmanie) Lundi 28 Novembre 2016

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Publié le 27 novembre 2016, mis à jour le 28 novembre 2016

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