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PHILIPPE GUSTIN - "Relancer le moteur franco-allemand par l'éducation pour une meilleure Europe"

Écrit par Lepetitjournal Berlin
Publié le 20 août 2016, mis à jour le 22 août 2016

 

Après avoir passé le 14 juillet avec les talents de Berlin, lepetitjournal.com de Berlin est allé à la rencontre d'un ancien Ambassadeur de France, Philippe Gustin. Cet européen convaincu, germanophone et germanophile est aujourd'hui préfet dans l'Eure. Il a récemment mis à profit son expérience politique, culturelle et historique pour publier un essai intitulé France-Allemagne : relancer le moteur de l'Europe, qu'il a co-écrit avec Stephan Martens, ancien recteur, professeur de civilisation allemande à l'université de Cergy-Pontoise. Nous avons donc profité de cette rencontre pour faire un tour d?horizon de l'actualité franco-allemande et européenne.

 

Lepetitjournal.com/Berlin : Pourriez-vous nous présenter brièvement votre parcours ?

Philippe Gustin : J'ai commencé comme enseignant en Allemagne à Bad Bergzabern en 1980 dans le cadre d'un programme d'échange de l'OFAJ (Office franco-allemand pour la jeunesse) puis dans les écoles des forces françaises à Tübingen, Achern et Landau. J'ai ensuite passé 6 ans à Budapest en Hongrie en tant que directeur des cours de l'Institut français. J'y ai vécu en direct la chute du Mur. C'était une période fantastique ! J'ai logé des familles d'Allemagne de l'Est chez moi. La grande Histoire s'écrivait.  Ensuite j'ai poursuivi mon chemin à Vienne en tant qu'attaché culturel. Et c'est après avoir passé le concours de l'ENA que j'ai fait le choix du corps préfectoral. En 2007, j'ai rejoint le cabinet de Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi puis j'ai été 3 ans directeur de cabinet de Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale avant d'être nommé ambassadeur en Roumanie en 2012. Depuis avril 2015, je suis directeur de cabinet du président et directeur général des services du département de l'Eure. 

Dans votre livre, France-Allemagne : relancer le moteur de l'Europe, vous dressez une image sombre des relations franco-allemandes. Quelles sont les causes selon vous du délitement du lien franco-allemand ?

Aujourd'hui nous sommes dans la méfiance entre l'Allemagne et la France. L'Allemagne ne peut plus accepter que la France ne respecte pas ses engagements et se demande si la France est encore dans le bateau européen. La France a, au fil des années, perdu sa crédibilité et la confiance de l?Allemagne qui estime avoir fait les réformes nécessaires et constate que son voisin n?a pas le courage de les faire.

L'effacement de la France sur la scène internationale et diplomatique a accéléré la distorsion du lien. L'exemple le plus frappant est bien évidemment le fait que Angela Merkel rencontre seule Erdogan pour négocier au nom de l'Union Européenne. Cela était inimaginable il y a 10 ans.

Plus récemment, le choix de Theresa May, le jour de sa prise de fonction, d'appeler Angela Merkel témoigne une nouvelle fois que l'Allemagne a pris le leadership au détriment de la France.

Quelles sont vos idées pour relancer le moteur franco-allemand ?

Dans notre essai, nous commençons notamment par plusieurs propositions qui ont trait à l'éducation. La solution d'une relance du moteur franco-allemand et donc de l'Europe, passe par l'éducation et une meilleure connaissance de l'autre. Et pour mieux connaître l'autre, il faut maitriser la langue de l'autre. C'est pour cela que le fait générateur de notre essai avec Stephan Martens est l'annonce du ministre de l'Education nationale sur la réforme du collège et la fin programmée de l'allemand. Notre leitmotiv est une relance du couple franco-allemand par l'éducation pour une meilleure Europe.

Avez-vous été surpris par le Brexit ? Quelles mesures doivent être prises selon vous pour relancer l'Union Européenne ?

Malheureusement non et j'ai même eu l'occasion de l'annoncer dans différentes interviews ou réunions publiques. Je pense que la surprise de certains réside dans le fait qu'on analyse le Royaume-Uni par le prisme londonien.

L'Union Européenne, construite sur un fondement de libéralisme économique, doit évoluer pour répondre aux nouvelles préoccupations des 507 millions d'Européens en matière de sécurité ou de politique migratoire par exemple. Des mesures immédiates doivent être prises au niveau communautaire pour redonner aux Européens le sentiment qu'ils sont protégés et entendus.

Schengen est mort, il faut donc redéfinir par exemple les conditions dans lesquelles un corps de garde-frontières européens pourra être chargé de protéger notre maison commune.

En matière économique, l'introduction d'une dose de protectionnisme est une évidence pour mettre fin au déséquilibre concurrentiel imposé par les Américains ou les Asiatiques.

Enfin, paradoxalement les citoyens de l'Union demandent à la fois plus d'Europe et moins d'Europe. Les Européens se disent déçus mais l'attente n'a jamais été aussi grande. Pour ré-enchanter l'Europe, il faut par exemple redéfinir les critères de subsidiarité. L'Union doit agir lorsqu'il s'agit d'être en position de force pour traiter d'égal à égal avec d'autres grands acteurs de la planète et les Etats membres doivent pouvoir exercer leurs compétences quand il s'agit de domaines relevant strictement de politiques internes. Mais tout cela suppose beaucoup de courage politique de la part des gouvernants des pays européens, à commencer par la France et l'Allemagne, confrontés en interne à des partis politiques anti-européens. Le couple franco-allemand reste incontournable pour faire avancer et aujourd'hui repartir le moteur de l'Europe.

L'Europe fait-elle selon vous encore rêver ?

L'Europe est toujours considérée comme un espace de paix, de démocratie et de prospérité, c'est pour cela qu'elle fait toujours rêver ceux qui n'y vivent pas. Mais le nécessaire doit être fait pour que l'Europe fasse de nouveau rêver les Européens en premier lieu. Des mesures radicales doivent être prises, les échéances électorales à venir en France et Allemagne ne doivent pas servir à justifier l'immobilisme.

Le Brexit nous a montré encore une fois que l'instrumentalisation des sujets communautaires n'est jamais un choix judicieux. Au contraire, l'Europe et son avenir doivent être au c?ur des échéances électorales futures. Il s'agit de l'unique moyen pour tenter de préserver ce qu'il reste de l'héritage européen et pour empêcher que les pays de l'Union ne s'enferment les uns après les autres dans un repli identitaire désastreux. 

 

 

Plus d'informations : 

http://www.lemieux-editeur.fr/FranceAllemagne.html

www.philippegustin.eu/

Interview réalisée le 15 juillet 2016 (www.lepetitjournal.com/berlin) 22 août 2016

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Publié le 20 août 2016, mis à jour le 22 août 2016

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